Dire mourir / Les mots des derniers soins

Malade, mourant, on ne peut pas dire que je sois pour autant inutile aux autres. Je les fais réfléchir, s’attacher, penser. Je prends certainement une valeur nouvelle. Il va falloir réviser leurs priorités. C’est tout un chantier de transformations qui s’ouvre pour eux. De fait, la maladie galvanise l’affection, et la mort relance la vie.

Que dire avant de mourir ? Au moment où notre sort est encore dans la plus grande incertitude et où nous ne sommes pas encore tout-à-fait sûrs d’en être là.

Et comment ? Alors que la maladie nous libère de nos points de vue habituels sans nous en donner toujours de plus légers.

Et surtout pourquoi ? Comme si tout n’avait pas encore été dit et qu’on trouvait enfin l’espoir de changer quoi que ce soit. Comme si cela n’apparaissait qu’à ce moment-là et n’avait jamais eu autant d’importance.

Ce livre, d’abord agencé aux éditions Corduriès en 2007, mêle les voix de deux personnes malades, dans la période précédant leur mort annoncée. On appellera ces voix Malade 1 et Malade 2 de façon volontairement anonyme, afin, tout à la fois, de préserver l’intimité de chacune et d’entendre entre elles un questionnement qui dépasse les personnes.

À la fin de leurs vies, Malade 1 et Malade 2 ne pouvaient plus parler. Le moins que je pouvais faire était d’essayer de transcrire ce qu’ils cherchaient malgré tout à dire ou ce qu’ils m’avaient fait penser, sur la vie, sur la mort, sur le sens de l’une et de l’autre et sur les soins qu’on apporte à la fin de vie. Que leurs voix, ici, puissent faire entendre, avec celles des anonymes dont ce livre est l’interprète, un questionnement que libère l’approche de la fin.

En définitive, ces notes ont été publiées pour la première fois dans le livre à deux voix intitulé Les Mots des derniers soins, où elles s’intercalaient avec des études sur la place de la démarche palliative dans la médecine. Les enquêtes auprès des médecins avaient été réalisées par Jean-Christophe Mino. Les paroles de malades apportaient une réponse, un contrepoint et parfois aussi une contradiction aux paroles de médecins, eux-mêmes incertains. Les isoler dans le présent ouvrage, c’est les rendre à leur intimité et à leur solitude.

éditions Les Belles Lettres, 2008
21 x 13,4 cm, 354 p.

Quels soins donne-t-on à un malade qui va mourir ? Et que dit-on que l’on fait ? Que dit-il, lui, qui est placé dans l’incertitude profonde de son sort ? L’entend-on ? Comment l’entendre ? Et que lui répondre ? Bien souvent les questions qui se posent à l’approche de la mort sont laissées au non-dit par les soignants. Et les silences se creusent entre pudeur et impuissance, respect et fuite, compréhension et angoisse.

Pour briser le silence, sans imposer un discours, ce livre manifeste une attention originale : en donnant largement la parole aux soignants et aux malades, il rappelle inlassablement la dissymétrie de leurs situations, insurmontable par principe. Mais ce faisant, il interroge ce qui se dit de part et d’autre, libérant ainsi une autre voie, celle de l’écoute comme possibilité et foyer de relations porteuses de sens.

De ces rapprochements de paroles et des multiples hésitations des soignants à définir leurs actes et leurs objectifs, il ressort que la mission même de la médecine demande à être repensée afin de fonder une « médecine de l’incurable », appelée à orienter la prise en charge d’un nombre grandissant de patients âgés ou malades chroniques pour lesquels la médecine n’a pas de certitude ou n’a plus d’espoir de guérison.

Les mots des derniers soins, éditions Les Belles Lettres, 2008

Prix d’éthique médicale – Maurice Rapin

Lire le texte de la présentation, Librairie Guillaume Budé, Paris 6e, 9 janvier 2009

Lire le compte rendu de Dany Stive, L’Humanité, 26 juillet 2008

Lire le compte rendu de François Delaporte, Revue du Praticien, 15 septembre 2008


Table

Introduction

Origine et développement de l’organisation des soins palliatifs en France

Partie I. Les mots de la médecine hospitalière, des soins curatifs aux soins de confort terminaux

Chapitre 1. Le « palliatif » des médecins hospitaliers, un mot aux sens multiples

Chapitre 2. L’opposition « curatif / palliatif » à l’épreuve des divers registres d’action médicale en fin de vie

Chapitre 3. Des soins curatifs aux soins de confort purs, un processus de passage complexe

Chapitre 4. Des mots aux actes : deux exemples, deux styles de mort

Partie II. Les mots des soins de la maladie d’Alzheimer, de la stimulation aux soins de confort chroniques

Chapitre 5. Changement de logique de soins au stade avancé de la maladie d’Alzheimer

Chapitre 6. Une phase de soins de confort chroniques

Chapitre 7. Les soins terminaux des personnes malades d’Alzheimer

Partie III. Les mots de la démarche palliative, des soins de confort à la prise en compte du point de vue du patient

Chapitre 8. La lutte contre l’inconfort au cœur de la démarche palliative

Chapitre 9. Le travail relationnel avec le patient et ses proches

Chapitre 10 et conclusion. Enjeux de la diffusion de la démarche palliative dans la médecine

Principaux repères chronologiques