Exposition « Le domino »

chez Françoise Acat, 1990

Comment exposer des dessins ? Comment faire d’une exposition un espace et un lieu vivants ? Comment préparer un jeu de lecture et de mise en relation des dessins entre eux ?

Un domino, c’est un tout, un diptyque, dont l’unité est soulignée par un cadre manufacturé. La rencontre des deux dessins crée une dimension nouvelle, due à la réflexion qu’entretiennent les deux moitiés.

  • Un tapis de jeu, en feutrine verte (dans l’hypothèse où une exposition soit un jeu de société qui, pour le dessin, se joue au mur)
  • Un jeu de 36 dominos sur le thème « Le dessineur luttant contre le dragon »
  • Une boîte en carton, recouverte de papier, où tous les dominos se rangent après l’exposition

Mais un domino, c’est en même temps deux moitiés qui se gênent, se repoussent et cherchent chacune à se rapprocher des autres ou peut-être de sa famille.

Au départ, c’est une question d’espace. Comment ménager n dimensions à un dessin et dépasser les deux dimensions du plan ? Comment laisser se figurer n dimensions sur un plan à deux dimensions ? La technique de la perspective et du point de fuite permet bien de représenter une 3e dimension, mais ce n’est qu’une dimension de plus, et ce n’est qu’un espace extérieur, un réceptacle imposé. Comment y circuler librement sans le décrire effectivement ?

C’est plutôt du côté des vieilles méthodes d’échelonnement latéral qu’il faut chercher la façon de nous arranger.

L’espace établit ses dimensions par les relations qui se nouent entre les dominos à travers la pièce. La disposition des dessins représentant la même chose construit des sous-espaces au sein de l’ensemble.

Si on ne peut pas manipuler les dessins physiquement, on peut se déplacer, circuler de l’un à l’autre. Marcher génère un espace entre les lieux. Des correspondances s’établissent. C’est le principe de l’exposition : ouvrir, à travers le lieu d’exposition, un espace de circulation qui se décrive petit à petit, en allant d’un dessin à l’autre, en tous sens. À chaque marche, c’est une lecture nouvelle. Et on peut changer de règle en cours de lecture.

Même en pointillé, il se circonscrit un lieu de lecture et de déambulation. La déambulation mentale incite à la déambulation physique et réciproquement. Elles font vivre un espace. Le mouvement physique ou mental d’un dessin à l’autre crée l’espace de l’œuvre. Au moins, il y aura eu cela, de l’espace généré et parcouru.


À l’issue de l’exposition, les dessins ont été publiés aux éditions Corduriès sous forme d’un jeu de cartes intitulé Diptyc’Domino. Par la suite, les notes ayant accompagné l’exposition ont été publiées aux éditions contrat maint en 2006, sous forme de deux petits « livres » intitulés L’Espace Domino et Méthodes pour échapper à l’analogie.