On n’allait pas dire à la pensée ce qu’elle a à faire, ni même discourir – loin derrière elle – sur ce qu’elle fait, mais plutôt l’inciter à se mettre en mouvement, et à se montrer, hésitante, gauche parfois, ou même rétive, mais quelquefois aussi, fulgurante, insaisissable et désinvolte.

Et la pensée se prend à reconnaître ici une chose ou une forme (visage, saule pleureur), là une personne ou un style (Miró, Boticelli), et aussitôt à rire de ce travail irrépressible, c’est-à-dire à s’évader, elle seule sait où. C’est le sujet du livre, qui lui donne son titre.
chapitre I
chapitre II
chapitre III
chapitre IV
chapitre V
chapitre VI
appendice
Ainsi se termine ce que je voulais montrer en défense de la variété des manières de lire. On voit dans ce qui précède qu’il s’agit moins de rendre hommage à leurs différences, par esprit de tolérance, que de faire valoir ce que les composer entre elles ouvre à l’esprit. Ce n’est donc pas un exercice désespéré.
Le sujet du livre incitait à renoncer à décrire ce qui change peut-être à chaque lecture. De là le choix de proposer un texte écrit en dessin, une composition de traits, où le lecteur éprouve au silence ses propres interprétations. En définitive, le livre donne à prendre une place vivante et contestable, qu’on peut appeler une place de dessineur, afin de rapprocher par ce mot ceux qui savent aimer le dessin, ou le susciter, et ceux qui en composent ou en interprètent. Il fallait un frère aux mots poète et musicien.
Pour encourager les démarches de lecture à s’affirmer et décourager la tentation de suivre une histoire, la méthode choisie voulait que les dessins découpés par la lecture paraissent familiers et apparentés. Et que le livre de dessin émancipé du manuscrit originel se lise comme on lit une partition de musique, de page en page, et en même temps, comme on feuillette un polyptyque, de-ci de-là. En sorte que la trame paraisse nouvelle. Au fond, le livre ne cache pas d’énigme à deviner : il ne le mériterait pas, puisque je veux montrer qu’il faut jouer des manières de lire si nous voulons consoler nos solitudes d’avoir tellement besoin à la fois de repères et de nouveautés.
Paris, septembre 1989 – Venise, décembre 1989
Il a été tiré de cet ouvrage deux cents exemplaires sur Rivoli 120 g achevés d’imprimer le 29 janvier 2007 sur les presses de l’imprimerie FRAG à Paris constituant avec les vingt premiers exemplaires tirés entre décembre 1989 et mars 1990 l’édition originale de SUR LA LECTURE © Corduriès, Paris, décembre 1989 2e tirage, 2007 ISBN : 2-9526915-0-9 EAN : 9782952691505 Dépôt légal : février 2007
